La Commission nationale des droits de l’homme au Liban a déclaré qu’après vingt ans d’adhésion du Liban à la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour la lutte antitabac, signée en 2005, la majorité des mesures prévues par cet accord international restent en dehors du cadre juridique national, bien que la loi n°174 sur la limitation du tabagisme et la régulation de la fabrication, l’emballage et la publicité des produits du tabac ait été promulguée le 29 août 2011.
Commentant la publication de l’étude intitulée « Faisabilité économique de l’investissement dans la lutte antitabac au Liban », réalisée conjointement par le ministère libanais de la Santé publique, l’OMS, la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Commission a souligné l’importance capitale des données contenues dans ce rapport, notamment les chiffres alarmants sur l’impact du tabac sur la santé publique, l’économie nationale, et le taux de mortalité élevé au Liban.
Selon cette étude, le Liban pourrait éviter des pertes économiques dépassant les 400 millions de dollars (15,2 trillions de livres libanaises) et sauver jusqu’à 40 000 vies au cours des 15 prochaines années, en appliquant six politiques clés de lutte antitabac recommandées par la Convention-cadre de l’OMS.
Le rapport met également en évidence le coût humain et économique exorbitant de la consommation de tabac, estimé à 140 millions de dollars par an, soit 1,9 % du PIB. Ces coûts incluent les dépenses de santé, la perte de productivité et les dommages au développement humain. Les bénéfices attendus de la mise en œuvre des politiques de lutte antitabac dépasseraient largement les coûts, atteignant 15,2 trillions de livres libanaises contre seulement 177 milliards de livres de dépenses estimées.
Malgré les objectifs de la loi n°174, censée aligner la législation nationale sur les dispositions de la Convention, le Liban demeure en tête des pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord en matière de prévalence du tabagisme, ce qui reflète un besoin urgent de réforme et d’application effective de la loi, à travers notamment l’adoption des décrets d’application et la révision de plusieurs articles de loi pour les rendre conformes aux engagements internationaux.
La Commission nationale des droits de l’homme a tenu les gouvernements libanais successifs pour responsables de leur inertie injustifiable, en particulier concernant le refus persistant d’adopter un décret exigeant l’apposition d’avertissements illustrés couvrant 40 % des deux faces principales des paquets de cigarettes, tel que proposé par les ministres de la Santé et des Finances. Selon la Commission, ce retard de plus de dix ans ne peut être interprété que comme une tentative délibérée de fuir les mesures visant à protéger la santé publique des intérêts commerciaux des compagnies de tabac.
L’étude conclut que la mise en œuvre intégrale de la Convention-cadre permettrait de sauver plus de 2600 vies chaque année, tout en permettant au Liban de réallouer les économies issues de la réduction des dépenses de santé et de l’augmentation des taxes sur le tabac à des priorités nationales, telles que la couverture santé universelle, les programmes de protection sociale et les efforts de relance économique.
Actuellement, plus de 9 000 décès par an au Liban sont attribués aux maladies liées au tabagisme, soit plus d’un quart de la mortalité totale. Bien que le Liban soit partie à la Convention depuis 2005, des actions politiques supplémentaires sont nécessaires pour en tirer pleinement profit.
Les mesures recommandées dans l’étude comprennent notamment :
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La mise en œuvre intégrale de la Convention-cadre de l’OMS.
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L’augmentation des taxes sur les produits du tabac (article 6).
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L’interdiction totale de fumer dans les lieux publics et de travail (article 8).
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L’apposition obligatoire d’avertissements sanitaires illustrés (article 11).
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Le conditionnement neutre des produits du tabac (articles 11 et 13).
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La sensibilisation du public aux dangers du tabac et aux bénéfices du sevrage (article 12).
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La promotion de l’arrêt du tabac par la formation du personnel de santé (article 14).
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L’instauration d’un mécanisme national de coordination multisectorielle (article 5.2 a).
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La mise en place d’une stratégie nationale de lutte antitabac (article 5.1).
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La protection des politiques de santé publique contre les intérêts de l’industrie du tabac (article 5.3).
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L’adhésion au Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac (article 15).
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L’intégration de la lutte antitabac dans les stratégies nationales de développement durable.
La Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac est le premier traité international de santé publique négocié sous l’égide de l’OMS, avec 183 parties représentant 90 % de la population mondiale. Elle offre un cadre juridique solide et des mesures éprouvées ayant permis de sauver des millions de vies, grâce à des outils tels que les avertissements illustrés, les lois anti-tabac, et les hausses de taxes sur les cigarettes.
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