La Commission nationale des droits de l’homme du Liban, comprenant le Comité pour la prévention de la torture (NHRC-CPT), a soumis une contribution officielle à la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats, en réponse à son appel à contributions pour son prochain rapport thématique sur l’intelligence artificielle (IA) et les systèmes judiciaires.
Dans sa soumission, la Commission a salué cette initiative opportune et souligné que l’introduction de l’IA dans l’infrastructure judiciaire libanaise – déjà fragilisée par des crises structurelles profondes – représente à la fois une opportunité de modernisation et un risque majeur pour les droits fondamentaux et l’indépendance de la justice.
Le système judiciaire libanais fait face à des défis de longue date : sous-financement, arriérés judiciaires, manque de personnel et ingérences politiques. Dans ce contexte, l’usage d’outils d’IA non encadrés pourrait aggraver les inégalités existantes et reproduire des formes d’injustice systémique. La Commission a particulièrement mis en garde contre l’absence de transparence, l’opacité des algorithmes et le manque de supervision technique.
Elle a également noté que certains professionnels du droit au Liban ont commencé à utiliser, de manière informelle, des outils d’IA générative tels que ChatGPT ou Lexis AI pour rédiger des décisions ou résumer des textes juridiques. Toutefois, ces usages se font en l’absence de normes institutionnelles, de directives claires ou de mécanismes d’évaluation.
La Commission a par ailleurs exprimé de vives inquiétudes concernant l’utilisation de technologies de reconnaissance faciale, particulièrement dans un pays où il n’existe aucune législation complète sur la protection des données personnelles. Ces technologies présentent des risques accrus pour les groupes vulnérables, notamment les réfugiés, les travailleurs migrants et les communautés racialisées.
Parmi ses recommandations, la Commission appelle à :
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L’adoption d’un cadre réglementaire clair pour encadrer l’usage de l’IA dans la justice, basé sur les normes internationales relatives aux droits humains ;
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L’interdiction des décisions judiciaires entièrement automatisées dans les affaires pénales ou en matière d’asile ;
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Le renforcement des capacités des magistrats et des avocats en matière d’IA, avec l’appui des ordres professionnels et de la société civile ;
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Le développement d’outils d’IA open source et localement adaptés, prenant en compte les spécificités linguistiques, culturelles et juridiques du Liban ;
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La mise en place d’audits réguliers des outils d’IA utilisés dans le système judiciaire, publiés de manière transparente.
« Le Liban est à un tournant numérique », conclut la Commission. « L’intelligence artificielle ne doit pas devenir un raccourci aux réformes judiciaires, au détriment des droits fondamentaux. »
La Commission nationale des droits de l’homme, comprenant le Comité pour la prévention de la torture, renouvelle son engagement à coopérer avec la Rapporteuse spéciale et à fournir des données complémentaires, notamment des rapports de terrain et des études sur la justice numérique.
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