De nouvelles preuves photographiques publiées par The Guardian suggèrent qu’Israël a utilisé des munitions à sous-munitions interdites au niveau international durant sa récente guerre de treize mois au Liban, marquant ainsi la première utilisation connue de telles armes par Israël depuis près de vingt ans. La Commission nationale des droits de l’homme, y compris le Comité pour la prévention de la torture (NHRC-CPT), exprime une profonde inquiétude quant aux implications humanitaires et juridiques de ces révélations, en particulier compte tenu du lourd héritage laissé au Liban par les sous-munitions non explosées.
Images vérifiées par des experts internationaux
Selon le reportage du journaliste William Christou, des photos de restes de munitions trouvées au sud du fleuve Litani, dans les vallées de Wadi Zibqin, Wadi Barghouz et Wadi Deir Siryan, ont été examinées par six experts indépendants en armement. Leur analyse indique la présence de deux types avancés de munitions à sous-munitions fabriquées par Israël :
155 mm M999 Barak Eitan, produite en 2019

Missile guidé 227 mm Ra’am Eitan, développé en 2017

Ces armes sont conçues pour disperser des dizaines de sous-munitions sur de vastes superficies, parfois équivalentes à plusieurs terrains de football. Leur utilisation représenterait la première apparition au Liban de ces nouveaux modèles de munitions à sous-munitions israéliennes.
Une arme qui continue de tuer pendant des décennies
Les munitions à sous-munitions libèrent des centaines de petites bombes qui, très souvent, n’explosent pas à l’impact. Jusqu’à 40 pour cent d’entre elles peuvent rester actives, posant une menace à long terme pour les civils qui les rencontrent des années après la fin des hostilités.
Cette menace n’est pas théorique. L’expérience du Liban avec ces armes est profondément ancrée dans sa mémoire collective. Dans les derniers jours de la guerre de 2006, Israël a saturé le sud du pays d’environ 4 millions de sous-munitions, dont près d’un million n’ont pas explosé. Depuis, plus de 400 civils ont été tués par ces bombes lors d’activités quotidiennes telles que l’agriculture, le pâturage ou les jeux d’enfants.
Ce lourd bilan a été l’un des principaux motifs ayant conduit à l’adoption de la Convention sur les armes à sous-munitions en 2008, aujourd’hui ratifiée par 124 États. Israël n’est cependant pas partie à ce traité.
Par nature indiscriminées, et donc illégales en pratique
Les experts humanitaires et spécialistes des armements concordent sur le danger inhérent des munitions à sous-munitions. Tamar Gabelnick, directrice de la Coalition contre les sous-munitions, souligne que ces armes « ne peuvent distinguer entre cibles civiles et militaires, et continuent de tuer et mutiler pendant des décennies après leur utilisation ».
Brian Castner, d’Amnesty International, abonde dans le même sens en affirmant qu’il n’existe « aucun moyen de les employer légalement ou de manière responsable, et que les civils en portent l’essentiel du risque pendant des générations ».
Les industriels affirment que les modèles récents présentent des taux d’échec très faibles, mais les données de terrain contredisent régulièrement ces prétentions. Alors que le missile Ra’am Eitan est commercialisé avec un taux d’échec de 0,01 pour cent, les munitions israéliennes précédemment utilisées au Liban promettaient elles aussi une fiabilité quasi parfaite, mais les analyses réelles ont révélé des taux avoisinant 10 pour cent.
Les communautés du Sud du Liban en première ligne
Les restes de munitions récemment découverts se trouvent dans des vallées boisées où Israël affirme que des combattants du Hezbollah avaient trouvé refuge. Cependant, ces zones jouxtent également des exploitations agricoles, des pâturages et des villages ruraux dépendant fortement de la terre pour leur subsistance.
Même si les armes visaient des combattants, leur large zone d’impact rend tout usage dans ces environnements intrinsèquement indiscriminé. Selon le droit international humanitaire coutumier, les parties doivent éviter les armes dont les effets ne peuvent être limités aux seules cibles militaires.
Le NHRC-CPT appelle à la responsabilité et à la protection
Au regard des éléments présentés par The Guardian et des évaluations des experts internationaux, le NHRC-CPT souligne l’urgence de :
-
Mener des enquêtes indépendantes sur tous les cas rapportés d’utilisation de sous-munitions
-
Déployer immédiatement des opérations de déminage pour protéger les communautés locales
-
Exercer une pression internationale réelle afin que toutes les parties respectent le droit humanitaire
-
Assurer une transparence totale sur les types d’armes utilisées dans les zones civiles
Le Liban a déjà payé un prix dévastateur pour ces armes. Une nouvelle contamination potentielle dans le Sud risque de perpétuer un cycle de souffrances pour les générations futures.
Le NHRC-CPT réaffirme son engagement à documenter les violations, soutenir les communautés touchées, et plaider pour des mesures de protection renforcées afin de garantir que les civils libanais ne soient plus jamais condamnés à vivre parmi des restes explosifs de guerre.
Munitions à sous-munitions
Les munitions à sous-munitions comptent parmi les armes les plus dangereuses et les plus indiscriminées. Elles sont conçues pour exploser en altitude et disperser des centaines de petites sous-munitions sur une vaste zone, rendant impossible toute distinction entre cibles militaires et civiles. En raison de cette large zone d’impact, leur utilisation est considérée comme intrinsèquement indiscriminée, en violation du droit international humanitaire.
On estime que 5 à 20 pour cent des sous-munitions n’explosent pas à l’impact. Elles demeurent alors enfouies dans le sol pendant des années, se comportant comme de véritables mines antipersonnel. Ce danger persistant constitue une menace directe pour les civils, en particulier les agriculteurs, les enfants et toutes les personnes fréquentant les zones contaminées.
Les munitions à sous-munitions sont interdites par la Convention sur les armes à sous-munitions, soutenue par plus de 100 États, qui proscrit leur utilisation, leur production, leur stockage et leur transfert. Cette interdiction repose sur une conviction largement partagée : ces armes causent des souffrances humaines prolongées et laissent des séquelles dévastatrices sur les communautés pendant des décennies.
L’emploi de ces armes constitue une violation du principe d’interdiction des attaques indiscriminées, en raison de la large zone affectée par la dispersion des sous-munitions et du risque grave que représentent les engins non explosés pour toute personne qui pourrait entrer en contact avec eux.
هذه المقالة متاحة أيضًا بـ: العربية (Arabe) English (Anglais)

